Que gagne l'industrie musicale française avec le réseau social phare TikTok ? Voilà la question qui hante les acteurs du secteur depuis plusieurs mois. Des "miettes", tempête le compositeur Olivier Delevingne. Des revenus "absolument dérisoires", abonde Guilhem Cottet, à la tête de l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (Upfi). "Nos investissements pour des compagnes de promotion sur la plateforme - parfois de 20 à 30.000 euros - ont généré des dizaines de millions d'écoutes pour un gain de moins de... 10 euros", se désole aussi Mathieu Dassieu. À l’instar du patron du label Baco Records, de nombreux protagonistes sollicités par Challenges font état d'une colère sourde qui commence à monter dans ce milieu culturel face au géant chinois TikTok.
Et pour cause : l'application - la plus téléchargée au monde ces derniers mois - a bâti notamment son succès grâce à l'utilisation de musiques accompagnant les vidéos postées. TikTok est désormais incontournable dans la consommation culturelle des Français : 9% du temps musical se fait sur ce réseau social. Une exposition qui peut faire décoller des morceaux, du moins dans les oreilles des Tiktokeurs, sans pour autant épaissir le portefeuille des structures : près de 430, en 2021, y ont cumulé un milliard de vues - trois fois plus qu'en 2020, selon la plateforme chinoise, qui assure tout mettre en œuvre pour défendre le droit d'auteur.
"Aujourd’hui, n’importe quel label phonographique utilise TikTok pour le marketing viral. Mais les revenus qui sont générés par la monétisation restent très faibles", tacle Jérôme Roger, à la tête de la Société des producteurs de phonogrammes en France. L'industrie tricolore veut sa part du gâteau mais la multiplication des acteurs, la difficile collecte des données et l'opacité de TikTok rendent l'opération hautement complexe.
Un mode de rémunération alambiqué
Premier écueil pointé du doigt par l'industrie : le mode de calcul.
Que gagne l'industrie musicale française avec le réseau social phare TikTok ? Voilà la question qui hante les acteurs du secteur depuis plusieurs mois. Des "miettes", tempête le compositeur Olivier Delevingne. Des revenus "absolument dérisoires", abonde Guilhem Cottet, à la tête de l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (Upfi). "Nos investissements pour des campagnes de promotion sur la plateforme - parfois de 20 à 30.000 euros - ont généré des dizaines de millions d'écoutes pour un gain de moins de... 10 euros", se désole aussi Mathieu Dassieu. À l’instar du patron du label Baco Records, de nombreux protagonistes sollicités par Challenges font état d'une colère sourde qui commence à monter dans ce milieu culturel face au géant chinois TikTok.
Et pour cause : l'application - la plus téléchargée au monde ces derniers mois - a bâti notamment son succès grâce à l'utilisation de musiques accompagnant les vidéos postées. TikTok est désormais incontournable dans la consommation culturelle des Français : 9% du temps musical se fait sur ce réseau social. Une exposition qui peut faire décoller des morceaux, du moins dans les oreilles des Tiktokeurs, sans pour autant épaissir le portefeuille des structures : près de 430, en 2021, y ont cumulé un milliard de vues - trois fois plus qu'en 2020, selon la plateforme chinoise, qui assure tout mettre en œuvre pour défendre le droit d'auteur.
"Aujourd’hui, n’importe quel label phonographique utilise TikTok pour le marketing viral. Mais les revenus qui sont générés par la monétisation restent très faibles", tacle Jérôme Roger, à la tête de la Société des producteurs de phonogrammes en France. L'industrie tricolore veut sa part du gâteau mais la multiplication des acteurs, la difficile collecte des données et l'opacité de TikTok rendent l'opération hautement complexe.
Un mode de rémunération alambiqué
Premier écueil pointé du doigt par l'industrie : le mode de calcul. TikTok rémunère les acteurs non pas en fonction du nombre de vues sur les vidéos utilisant leur morceau, mais en fonction du nombre de créations de contenus par des TikTokeurs à partir du morceau. En clair, si une musique est exploitée par une seule vidéo, la rémunération se comptera en centièmes de centimes, et cela même si la vidéo en question fait un milliard de vues. À l’inverse, si le morceau est utilisé par des milliers de Tiktok à faible consultation, la rémunération sera plus importante. "Lorsque le titre d’un artiste confidentiel explose sur TikTok, la rémunération n'est pas proportionnelle à son succès", appuie Guilhem Cottet.
Lire aussi Facebook : la campagne secrète de dénigrement de TikTok révèle la fébrilité de Meta
Voilà pour la théorie. Mais dans la pratique, l'opération est encore plus complexe. TikTok ne bénéficierait pas des moyens techniques suffisants pour faire remonter le nombre d'utilisation de chaque morceau musical sur la plateforme. Et n'est pas transparent sur son chiffre d'affaires. Les acteurs évoluent donc dans une boîte noire, et notamment la Sacem. "C’est extrêmement difficile de vérifier, sur la base des informations que TikTok veut bien nous mettre à disposition, quelle proportion exacte de leurs revenus on collecte", explique Julien Dumon, directeur du digital à la Sacem, qui souligne toutefois la "proactivité" de TikTok à respecter le droit d’auteur.
L'organisme chargé de collecter le droit des auteurs-compositeurs a signé il y a trois un contrat de prélèvement avec TikTok. Un deal qui "compterait en plusieurs millions d'euros" selon un représentant syndical des auteurs-compositeurs sans pour autant que la Sacem ne confirme le montant. Cette somme ensuite redistribuée aux adhérents de la Sacem mais avec un mode de calcul marqué par la débrouillardise, faute de données centralisées.
"Pour déterminer et redistribuer de la façon la plus équitable et pertinente les montants collectés auprès de Tiktok, nous mettons en place des répartitions par analogie, détaille Julien Dumon de la Sacem. Sur une période identique, nous analysons les consommations de musique réalisées sur YouTube, les services de streaming et la radio entre autres. La croissance du nombre d’abonnés, de téléchargements de l’application sur IOS ou Android est aussi intégrée. L'extrapolation de ces données permet de négocier au mieux les intérêts des créateurs que nous défendons malgré ce manque d’information de la part du réseau social." Une technique un peu au doigt mouillé - face à un géant du numérique mondial - qui génère toutefois des tensions dans l'écosystème.
Le compositeur Olivier Delevingne s'agace : "la Sacem pense qu'il vaut mieux faire un accord faible, et après l'augmenter progressivement. Mais du point de vue auteur-compositeur, c’est inacceptable. Certains préféreraient refuser tout accord et refuser de céder leurs droits. Parfois, la Sacem défend le droit d’auteur, et pas toujours le droit des auteurs".
Les interprètes pas mieux lotis
Pour les interprètes, c'est par le biais de leur label que se passe la rémunération. Les trois plus gros labels - les mastodontes Universal, Sony et Warner - ont ainsi négocié directement des accords avec TikTok il y a un an. Pour les labels indépendants, la négociation des droits touchés sur l'exploitation d'un morceau avec TikTok passe la plupart du temps par une agence internationale, Merlin, qui négocie au nom d'un large ensemble de petites et moyennes maisons de disques. Mais pour le représentant syndical des labels indépendants Guilhem Cottet, le deal entre Merlin et TikTok "n’est pas du tout satisfaisant". Il souligne toutefois qu'un accord plus avantageux est recherché - sans donner de précision sur une éventuelle date.
Alexandre Lasch, secrétaire général du Snep, syndicat qui représente notamment les trois majors, nuance la colère des labels indépendants. "Les revenus générés par TikTok engendrent aussi un cercle vertueux, explique-t-il. Après avoir découvert un titre sur TikTok, les auditeurs vont aller l'écouter sur Spotify", source de revenus plus conséquente. Le spécialiste du droit de la propriété intellectuelle souligne que, à l'inverse de YouTube par exemple, TikTok, n'est "pas un service musical à proprement parler". Et à ce titre ne rentre pas en concurrence avec les plateformes de streaming classiques (Spotify, Deezer, Apple Music). TikTok assure, estime-t-il, un rôle de tremplin pour les créateurs. 80% de ses utilisateurs, selon la plateforme, y découvrent de nouveaux morceaux.
Une vision balayée par Mathieu Dassieu de Baco Records : "ce n’est pas parce qu’on fait des dizaines de millions d’écoutes sur TikTok qu’il y a un succès sur les plateformes de streaming derrière", et donc rémunération supplémentaire.
Et l'inquiétude pourrait monter d'un cran. TikTok travaillerait sur sa propre plateforme de streaming musical, TikTok Music, dont le nom a été déposé en mai dernier, selon le site Business Insider. Forcément, l'industrie musicale suit le sujet de près.