Quel est l'impact de la crise sur l'enseignement artistique ? Retour sur le débat organisé par la FUSE

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Quel est l'impact de la crise sur l'enseignement artistique ? Retour sur le débat organisé par la FUSE

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L'impact de la crise sur l'enseignement artistique
L'impact de la crise sur l'enseignement artistique
© Getty - Adid Jimenez / EyeEm

Alors que la crise sanitaire s'inscrit dans la durée, il est urgent de réfléchir aux conséquences humaines, sociales et culturelles de l'arrêt de l'enseignement artistique qui, pour certaines disciplines, dure depuis un an.

La crise sanitaire marque doublement l’éducation artistique : en pointant du doigt les difficultés parfois insurmontables pour maintenir une continuité pédagogique à distance et en démontrant la créativité et l’implication des professionnels dans la recherche des solutions. Telle était la conclusion du débat « l’Enseignement artistique à l’épreuve des crises » organisé par  FUSE ( Fédération des Usagers du Spectacle Enseigné) samedi dernier. 

La Fédération a réuni Arthur Duranton, étudiant section théâtre du CRR de Lyon, Sophie Chevalier, parent d'élèves du CRR de Toulouse, Marie-France Myons, élève adulte en violon au CRD de Niort, Françoise Dufils Sucheyre, professeur de danse du CRR de Rouen, Claire Banda-Lemoine, professeur de formation musicale, Alexandre Jung, directeur du CRD Mulhouse et Maxime Leschiera, directeur du CRR de Bordeaux et président de Conservatoires de France. 

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Alors que la situation sanitaire préoccupante continue à limiter considérablement les pratiques artistiques amateur, force est de constater qu’il ne s’agit pas « d’une simple parenthèse que l’on refermera une fois la crise passée, mais des traumatismes qui remettent en question la place même de l’enseignement artistique dans notre société » ont souligné les intervenants. 

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Garder le lien pédagogique

Contrairement à l’Education nationale, la situation reste « extrêmement hétérogène selon les établissements, les territoires, les publics et les disciplines ».  Au moment du premier confinement, l'objectif était surtout de « garder le lien pédagogique, avec la perspective de la rentrée en septembre en présentiel ». Mais la réouverture totale des établissements d’enseignement artistique était de courte durée. Au rebond de l'épidémie fin octobre, la majorité des cours sont passés en distanciel, mais les professionnels ont pu tirer profit des dispositifs déjà mis en place.

De façon générale et selon les retours des familles, « l'enseignement à distance en instrument s'est plutôt bien passé »  alors qu'en matière de formation musicale, « les retours ont été plus mitigés ». Malgré la mobilisation des professeurs jugée exceptionnelle - entre les cours en visio, les tutoriels, les modes d'emploi et même des coups de téléphone pour guider les élèves, les familles ont privilégié les cours d'instrument au détriment des cours de formation musicale. 

Les professeurs ont également pointé la difficulté de faire comprendre aux familles l'importance d'accompagner leurs enfants. La situation était plus difficile pour les familles de plus jeunes élèves qui ne maîtrisaient pas encore la méthodologie du travail, ainsi que pour les collégiens et les lycéens, déjà surchargés de travail à l'école. Même les disciplines les plus fragiles, notamment la danse, ont pu trouver des solutions pour maintenir le lien :  les professeurs ont très vite pu mettre un place un système des cours en distanciel en adaptant le programme, en privilégiant un travail «sur les fondamentaux, sur l'expression, » laissant de coté des spécificités particulièrement techniques ou le mouvement dans l'espace.

Exclusion de certaines pratiques et de certains publics

Malgré le bilan plutôt positif quant à la présence et l'assiduité des élèves, les inégalités se creusent, notamment parce que la crise sanitaire s'inscrit dans la durée et a un impact particulier dans certaines disciplines, malgré le protocole sanitaire extrêmement strict mis en application dans les conservatoires : interdiction d'accéder aux locaux avant l'heure du cours, ou de toucher les poignets des portes, désinfection des mains, interdiction de toucher le matériel commun dans la salle de classe, aérations, port du masque. Marie-France Myons, élève adulte en violon à Niort, a témoigné du sentiment d' «ostracisme en raison de l'âge», qui provoquerait à terme la démotivation et le désistement d'un grand nombre de musiciens amateurs adultes.

Inquiétude aussi du coté des élèves en danse, qui en un an n'ont pu avoir qu'un mois et demi de cours en présentiel et qui sont de nouveau interdits de salle de classe. A terme, les limites des cours en distanciel vont peser sur le niveau des élèves, estiment les professionnels, comme pour d'autres disciplines pour lesquelles ce type d'enseignement montre très rapidement ses limites. Parmi lesquelles les cours de théâtre ou les pratiques collectives. Selon Arthur Duranton, étudiant section théâtre du CRR de Lyon, il y a un vrai danger pour toute une génération de jeunes de se voir « briser leur vocation ».

Autre problème mis en avant, l'inégalité d'accès aux moyens techniques à disposition des familles, le réseau Internet dans les zones blanches ou rurales ou tout simplement l'organisation familiale qui font parfois obstacle au lien avec certains élèves, et cela déjà dès le premier confinement.

Urgence de mettre en lumière les particularités de l'enseignement artistique

Au bout d'un an de crise sanitaire, les intervenants ont souligné un sentiment généralisé d'injustice, résultat à la fois d'une « méconnaissance des modes de fonctionnement » des enseignements artistiques par les autorités qui subissent les restrictions « arbitraires » transposées des secteurs comme l'enseignement supérieur, l'éducation nationale ou l'éducation sportive.  Autre problème sont les disparités dans l'application de différents décrets décidés au niveau national par les autorités locales. Il y a par conséquent  « des élèves qui peuvent venir tout le temps et d'autres qui ne peuvent venir jamais, » constatent-ils, malgré la mobilisation des professionnels, professeurs et directeurs de conservatoires depuis le début de la crise pour sensibiliser l'opinion publique aux spécificités de l’enseignement artistique. 

Alors que la crise sanitaire s'inscrit dans la durée, il est urgent d'entamer une vraie réflexion sur l'importance d'avoir une pratique artistique pour un enfant, pour une famille ou pour un adulte amateur et de se poser la question quelles seront les conséquences humaines, sociales et culturelles de leur arrêt brutal qui pour certaines disciplines, perdure depuis un an, ont conclu les participants.

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