Le classique, la musique du mal au cinéma ?

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Le classique, la musique du mal au cinéma ?

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Alex DeLarge de "Orange Mécanique", criminel "ultra-violent" passionné de musique classique
Alex DeLarge de "Orange Mécanique", criminel "ultra-violent" passionné de musique classique
© Getty - Michael Ochs Archives

De « M le maudit » au « Silence des agneaux », en passant par « Orange Mécanique » et les films de James Bond, les plus grands antagonistes partagent tous une passion pour la musique classique. Serait-elle la musique du mal ?

Comment signaler que la personne à l’écran est méchante ? A Hollywood, la réponse est simple : en faisant appel à la musique classique. C’est un cliché du cinéma qui circule depuis plus de 50 ans. Un génie maléfique qui souhaite dominer ou détruire le monde, un tueur en série sans pitié, un sociopathe dangereux et insoupçonné, un homme de sciences aux grotesques lubies : lorsque ces antagonistes ne sont pas en train d’œuvrer contre le héros, ils s’adonnent souvent à leur deuxième passion après la souffrance, à savoir... la musique classique. 

Stéréotype largement répandu à travers le septième art, il est ainsi presque nécessaire de se méfier lorsque l’on voit à l’écran un personnage jouer ou écouter de la musique classique ! Mais pourquoi ce genre est-il tant associé au mal et aux personnages maléfiques dans le cinéma ?

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L’origine du mal

Sorti en 1931, M le maudit de Fritz Lang met en scène l’un des premiers exemples de la représentation de l’antagoniste à travers la musique classique : le meurtrier d’enfants, Hans Beckert, traque ses victimes en sifflant Dans l'antre du roi de la montagne de Grieg.

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Association simple mais efficace, l’idée d’incarner le mal à travers la musique classique est plantée. Mais ce n’est que 40 ans plus tard, en 1971, que Stanley Kubrick porte cette idée à son apogée dans son film Orange mécanique (1971). Le protagoniste Alex, délinquant et violeur sans pitié, est également grand admirateur de Beethoven, dont la musique est intimement liée à ses pulsions violentes.

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Si le lavage de cerveau que subit Alex, qui associe la musique classique avec la douleur et le mal, est finalement un échec, cette association semble s’être enracinée dans l’imaginaire des réalisateurs de Hollywood, qui évoqueront le mal et le classique sous de nombreuses formes.

Pour certains, cette musique calme et sérieuse accorde aux esprits torturés un moment de grâce et de repos dans leurs vies de souffrance, comme le célèbre tueur de Psychose, Norman Bates, qui interprète au piano la Sonate no.14 op.27 n°2 de Beethoven dans Psychose 2 (1983), mais également l’arnaqueur et meurtrier Tom Ripley du Talentueux Mr. Ripley (1999). Intelligent et sensible mais aussi souvent assujetti à des pulsions passionnelles meurtrières, Ripley se réfugie dans le classique pour y trouver un moment de sincérité et de clarté.

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Pour d’autres, la musique classique, comme leur crime, est une histoire de passion et d’émotion. Rejetée par son amant Daniel Gallagher, l’antagoniste Alexandra Forrest dans Liaison Fatale (1987) écoute Madame Butterfly dans le noir alors qu’elle rumine sa vengeance. Quant à l’agent de police corrompu Norman Stansfield dans Léon (1994), grand amateurde Beethoven, la musique de ce dernier lui apporte les mêmes sensations que la violence physique à laquelle il s'adonne. Incapable de ressentir le moindre remords lorsqu'il tue la famille de sa victime, il est néanmoins capable de distinguer les bons comme les mauvais aspects des œuvres de Mozart, Beethoven et Brahms.

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Genre principalement européen, la musique classique dans le cinéma américain sert également à représenter une menace étrangère. L’arrivée du terroriste et voleur allemand Hans Gruber dans Die Hard (1988) est annoncée par le thème de l’Hymne à la joie de Beethoven, véritable leitmotiv du personnage développé et répété tout au long du film. Le compositeur de la bande originale Michael Kamen avoue même avoir choisi cette œuvre après avoir vu Orange Mécanique.

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Mais une passion pour la musique classique peut également exprimer la suprématie intellectuelle du méchant, son intelligence écrasante mise en évidence par sa capacité d’apprécier une musique devenue, selon sa perception par le public depuis les années 1960, la musique d’une élite. Ainsi, comme dans Die Hard, le thème classique pour représenter Hans Gruber permet de créer une antithèse au héros traditionnel, John McClane, policier ordinaire de classe moyenne avec laquelle le public peut facilement s’identifier.

Le génie maléfique

L’arrivée du classique signale ainsi l’éducation et l’intelligence, de dangereuses qualités chez  la mauvaise personne. Célèbre antagoniste aussi cultivé qu’il est menaçant, le Dr. Hannibal Lecter apprécie particulièrement la musique de Bach, tout en attaquant sauvagement des vigiles dans Le silence des agneaux (1991). Dans les aventures de Sherlock Holmes, le génie du crime Professeur Moriarty est aussi un grand amateur de musique classique, preuve de sa grande culture et de sa nature cérébrale, dans le film Sherlock Holmes : Jeu d’ombres (2011) mais aussi la série Sherlock (2012)

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Du côté de la science-fiction, les antagonistes ne sont pas moins mélomanes. Dans l’univers des X-Men, le mutant et anti-héros Magneto passe son temps en prison à jouer aux échecs et à écouter les œuvres de Mozart, dont la Sonate pour piano no.16 K.454 dans X-Men 2 (2003). 

N’oublions pas les nombreux adversaires de James Bond, souvent détachés de la réalité, vivant dans un château ou une forteresse loin de la société qu’ils souhaitent contrôler, dont notamment Karl Stromberg de L’Espion qui m’aimait (1977), Hugo Drax de Moonraker (1979), et Dominic Greene de Quantum of Solace (2008).

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Mais le classique peut également exister non pour accompagner mais pour contraster avec le mal et la violence afin d’accentuer la barbarie des actes à l’écran. Le meilleur exemple est La liste de Schindler, lors duquel Suite anglaise no.2, BWV 807 de Bach sonne contre les cris et les tirs.

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Les dangers du stéréotype

En effet, seul un genre semble correspondre au stéréotype du grand méchant : ces hommes et femmes blancs, riches et de classe généralement supérieure, éduqués et intelligents, grands amateurs de culture, se croyant meilleurs et plus intelligents que ceux qui les entourent, détachés et même au-delà de la réalité, avec des idées pseudo-élitistes.

Si l'association du mal et du classique est un cliché du cinéma aujourd'hui rejeté par les nouvelles générations de réalisateurs, l’effet de ce cliché après plusieurs décennies ne fait que contribuer à l’image du classique comme une musique cérébrale, réservée aux gens riches de classe supérieure qui se rassemblent à l’opéra pour œuvrer contre la classe ordinaire et ouvrière.

Si les histoires du septième art restent confinées à l’écran, en est-il du même pour les associations inconscientes et sous-jacentes de ses histoires ? Finalement, il n'y a qu'une seule victime de l'antagoniste : la musique classique.

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