Chronique. L’anecdote avait fait le tour de la planète musicale. En janvier, le rappeur américain A Boogie Wit Da Hoodie s’est arrogé la tête du classement américain des ventes hebdomadaires d’albums avec le score tonitruant de… 823 exemplaires physiques écoulés de son disque Hoodie SZN. Une première dans l’histoire du vénérable Billboard 200 ! En convertissant les 83 millions d’écoutes en streaming des titres de cet opus, le total atteignait toutefois le score plus respectable de 58 000 exemplaires « vendus », ce qui était largement suffisant pour damer le pion à la concurrence et rafler le titre de plus « gros vendeur » de la semaine ; une notion forcément sujette à interprétations désormais. Symbole saisissant des nouveaux équilibres du marché de la musique, où 1 500 écoutes correspondent à un disque acheté, cette histoire tend à devenir de plus en plus banale à mesure que les playlists et les abonnements payants aux plates-formes de streaming musical supplantent les supports physiques. Une aubaine pour les petits vendeurs de CD et de vinyles, qui pourront continuer à prétendre aux places de numéro un.
Accaparés par leurs luttes intestines, les héritiers de Johnny Hallyday se seront au moins épargné ces considérations matérielles. Décédé le 5 décembre 2017, le Taulier a tenu d’une voix ferme la boutique de la musique française et honoré son rang de plus gros vendeur de disques pour l’année 2018. Sans aucune contestation possible. Entre son album posthume Mon pays c’est l’amour (Warner Music) – 5e meilleure vente mondiale d’albums, entre Lady Gaga et Ed Sheeran, excusez du peu, avec plus de 1,7 million d’unités –, et les disques de son imposant catalogue, l’idole des (ex) jeunes aura vendu plus de 2,2 millions d’albums en douze mois, selon le bilan 2018 du marché de la musique enregistrée publié jeudi 14 mars par le SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique).
Et si la répartition entre ventes réelles et « équivalents streams » n’est pas précisée, on se souvient que la mise en place en magasin des 800 000 CD et vinyles de Mon pays c’est l’amour, en octobre 2018, avait rapidement été insuffisante pour rassasier les fans attristés du chanteur. Avec ses 823 disques, A Boogie wit da Hoodie peut en prendre de la graine…
Les vieux schémas ont volé en éclats
Mais derrière Johnny, c’est bel et bien la génération streaming qui s’impose à l’unisson d’une pratique musicale devenue majoritaire – et ce pour la première fois en France l’année dernière dans les revenus de la filière – et auprès des jeunes auditeurs plus prompts à écouter en boucle les titres de leurs artistes favoris qu’à fréquenter les rayons de la Fnac ou du supermarché d’à côté.
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