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Rififi dans le secteur des droits voisins de la musique

En France, la perception et la répartition de la juteuse rémunération des passages en radio et de la copie privée est éclatée en plusieurs organismes. Les fusionner aurait du sens mais s'avère difficile.

Le concert Bigflo et Oli au Stadium de Toulouse.
Le concert Bigflo et Oli au Stadium de Toulouse. (Lydie Lecarpentier/REA)

Par Nicolas Madelaine

Publié le 27 juin 2019 à 16:09Mis à jour le 28 juin 2019 à 08:00

Les droits voisins de la musique enregistrée sont souvent méconnus. Pourtant, ils rémunèrent de façon non anecdotique les producteurs et les interprètes, d'une part pour les passages de leurs chansons en radio ou dans les lieux publics comme les discothèques ou les coiffeurs (rémunération équitable) et, d'autre part, pour le droit qu'ils concèdent au nom de la copie privée qui permet de copier des oeuvres sur un stockage numérique (smartphone, disque dur…).

A côté des ventes de vinyles et de CD et des abonnements aux sites de streaming comme Deezer ou Spotify, ces droits minutieusement répartis par des organismes de gestion collective (OGC) représentent en effet 220 millions d'euros par an environ, une moitié pour les producteurs et l'autre pour les interprètes, estime Marc Guez, directeur gérant de la Société civile des producteurs phonographiques (SCCP), l'OGC représentant les majors (Universal, Sony, Warner).

Un chiffre à comparer à un marché de la musique enregistrée en France de 735 millions au total en 2018 . Un montant d'autant plus important, donc, pour la filière que son poids a proportionnellement augmenté en raison de la baisse des ventes physiques et qu'il génère une quarantaine de millions d'aides à la production de nouveaux artistes, soit deux fois plus que le crédit d'impôt pour soutenir la production.

Economies d'échelle

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C'est dans ce contexte qu'il faut replacer les relations tendues entre les différents OGC : la SCPP, donc, mais aussi la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), qui représente historiquement les labels indépendants, la Société pour l'administration des droits des artistes et musiciens-interprètes (Adami), axée sur les artistes-interprètes principaux, et la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (Spedidam), axée sur les musiciens.

La logique voudrait que ces OGC fusionnent, estiment les acteurs du secteur. Cela épargnerait des démarches administratives (certains musiciens sont à la fois dans l'Adami et la Spedidam…), permettrait de créer des économies d'échelle et donc de générer davantage de revenus et d'aides. Comme l'explique aux « Echos » Emmanuel de Buretel, patron du label Because (Christine, Justice…) et président du SPPF, tous ces organismes sont sous un même toit chez nos pays voisins, en particulier au Royaume-Uni, le premier marché européen.

Cela permet d'être plus fort face aux nouveaux distributeurs numériques mais aussi face aux pouvoirs publics, par exemple pour inclure les ordinateurs personnels dans l'assiette de la copie privée (ce qui pourrait rapporter des dizaines de millions d'euros supplémentaires). Emmanuel de Buretel propose que l'organisme qui collecte des droits voisins pour la SPPF et la SCPP, la SPRE (Société pour la perception de la rémunération équitable), centralise aussi la répartition pour tout le monde. Mais on en est loin.

Poursuites en justice sur les « irrépartissables »

Même rapprocher les deux OGC de producteurs semble une tâche insurmontable et est au point mort après plusieurs tentatives avortées, les parties ne se faisant pas confiance. Aujourd'hui, la SPPF poursuit la SCPP en justice pour avoir modifié les clefs de la répartition vieilles de trente-trois ans des « irrépartissables », ces droits voisins générés essentiellement par des musiciens américains passant en radio mais qui doivent rester en France parce que les Etats-Unis n'ont pas signé la convention de Rome sur les droits voisins.

La SCPP estime que ces chanteurs américains prisés par les radios sont dans le catalogue des majors. La SPPF, qui perd ainsi 4 millions d'euros sur un total de 8 millions à distribuer en aides, estime que ces artistes n'ont pas été signés en France et qu'il faut considérer l'écosystème français et donc conserver comme clef de répartition des « irrépartissables » les parts de marché hexagonales des affiliés aux deux OGC.

La situation est encore compliquée par le fait qu'il y a paradoxalement 3.000 indépendants qui ont préféré souscrire à la SCPP, contre 2.000 à la SPPF, même si ces derniers pèseraient 80 % de la production française. Selon la SCPP, la SPPF privilégie ses gros labels indépendants au détriment des autres. Les deux entités s'accusent de vouloir recruter l'une chez l'autre. La SCPP promet que ces 4 millions d'euros récupérés iront, eux, vraiment à ses « indés ». Mais, selon un professionnel du secteur, « la SCPP veut absorber la SPPF car elle se rend compte qu'il y a de plus en plus d'artistes qui s'autoproduisent et génèrent leurs propres droits voisins : elle veut coller à cette tendance lourde ».

Nicolas Madelaine

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