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Triller, la «petite» appli musicale qui vient concurrencer le géant chinois TikTok

Lancée il y a trois ans, Triller enregistre aujourd’hui 60 millions de téléchargements et 16 millions d’utilisateurs actifs, pour une croissance organique de 500% l’année dernière. Gilles Boutin/Le Figaro

L’application franco-américaine, qui a levé 28 millions de dollars en octobre, a récemment reçu le soutien d’artistes internationaux tels que The Weeknd ou Snoop Dogg.

La première fois que Romane, 12 ans, est entrée dans l’univers des mini-vidéos musicales, c’était en primaire, à travers l’application star des jeunes, TikTok. «J’ai connu TikTok car tout le monde l’avait dans mon école, c’était vraiment la grande mode. J’y fais beaucoup de vidéos de play-back, ou je poste des vidéos de gymnastique, un sport que je pratique», explique la collégienne.

Mais en dehors de son compte TikTok, où elle cumule quelque 12.200 abonnés, Romane s’est aussi laissée séduire par les formats similaires de Triller. Encore méconnue du grand public, cette jeune pousse de la tech, lancée il y a maintenant trois ans, a désormais tout d’une grande. Avec 60 millions de téléchargements enregistrés, 16 millions d’utilisateurs actifs et surtout une croissance organique de 500% l’année dernière, l’application franco-américaine pourrait bien faire de l’ombre à sa rivale.

Le principe de Triller - de l’anglais trill qui signifie, comme son équivalent français «trille», une séquence musicale répétée - est de «créer un clip vidéo de qualité quasi-professionnelle avec un montage automatisé des séquences», explique Claude Crevelle, directeur général Europe de l’application. La technologie se base pour cela sur «la détection intelligente de mouvement dans l’ensemble des images de la vidéo, qu’on ‘‘matche’’ ensuite avec le rythme de la musique.»

Après avoir choisi sa musique via la base de données de Triller ou en la téléchargeant depuis sa propre bibliothèque, l’utilisateur peut choisir de se filmer directement, ou d’importer un film ou sa propre vidéo, pour l’éditer sur l’application. Une fois que le clip est prêt, l’utilisateur peut le diffuser sur la plateforme ou sur les autres réseaux sociaux. «Post videos, make friends, be famous» («Publie des vidéos, fais-toi des amis, deviens célèbre»), annonce le mail de confirmation de création de compte: le même refrain que TikTok, donc? «Beaucoup de personnes nous voient comme leur concurrent, mais nous préférons plutôt évoluer à côté d’eux. Le monde des plateformes de vidéos courtes reste très large!» conteste Claude Crevelle.

«Triller valorise d’abord la musique»

Pour se démarquer du géant chinois et de ses 564 millions d’utilisateurs actifs mensuels, Triller entend d’abord cibler un public plus âgé (entre 16 et 25 ans), que celui de TikTok, constitué majoritairement de préadolescents. C’est la raison pour laquelle l’application franco-américaine se positionne beaucoup sur de la musique urbaine, rap et électronique, qui trône souvent dans les classements nationaux des titres les plus écoutés.

Pour proposer légalement le plus large choix de titres musicaux, Triller a par ailleurs conclu des accords avec des grands labels comme Sony Music, Universal Music Group ou encore Warner Music, là où TikTok a préféré s’orienter vers des reprises ou des remix. L’application permet alors de lire des titres dans leur intégralité, générant à chaque écoute un revenu pour le label et son artiste. «L’atout de Triller est le fait qu’il valorise d’abord la musique, contrairement à TikTok, où la musique sert la vidéo», analyse Yann-Mael Larher, expert en transformation digitale à l’Institut Sapiens. Un paramètre qui a séduit de nombreux artistes internationaux qui ont depuis apporté leur soutien et leurs financements, comme The Weeknd, Snoop Dogg ou encore Kendrick Lamar.

Autre différence avec l’application chinoise: la stratégie marketing. Outre la promotion par les labels de certains de leurs artistes, «là où TikTok se sert de la publicité classique, avec une monétisation globale de l’audience, Triller préfère monétiser via des influenceurs et valoriser la créativité», poursuit l’expert. L’application a ainsi réussi à «voler» Léa Elui, l’influenceuse française la plus suivie des réseaux sociaux (plus de 10 millions d’abonnés sur Instagram) à son concurrent chinois, pour en faire l’une de ses ambassadrices.

Mais attention! Augmenter son nombre d’utilisateurs peut avoir un effet à double tranchant: «plus on gagne en audience, plus on a des règles à prendre en compte qui, si elles sont trop lourdes, risquent de faire fuir cette audience vers des alternatives moins contraignantes», souligne Yann-Mael Larher. Et là encore, Triller dispose de plusieurs cordes à son arc pour rivaliser avec ses concurrents. Son origine franco-américaine lui permet notamment d’être à même de comprendre et de s’adapter aux attentes du marché occidental. Contrairement à son rival chinois, elle est aussis soumise à une législation plus stricte, notamment en matière de de protection des enfants , gros consommateurs de ces applications et cible privilégiée de ces applications.

Des levées de fonds pour «améliorer sa technologie et financer son expansion»

Mais hors de question de se reposer sur ses lauriers: Triller, qui génère encore peu de revenus pour le moment selon Claude Crevelle, entend bien continuer son développement. Fin octobre, l’application a annoncé une levée de fonds de 28 millions de dollars en guise de coup de pouce pour améliorer sa technologie et financer son expansion en Amérique latine, en Asie et en Afrique, où elle est encore peu présente.

Triller pourrait-il à terme damer le pion à TikTok? Pas sûr, explique Yann-Mael Larher, pour qui aucune plateforme n’est indétrônable: «L’audience de ce marché, qui fonctionne beaucoup sur du mimétisme, est finalement assez volatile. Dès lors qu’on veut la pérenniser et montrer ouvertement qu’on veut gagner de l’argent, en mettant des publicités comme TikTok par exemple, on risque de perdre cette audience qui est là avant tout pour se divertir en se mettant en scène sur les musiques qu’elle aime.»

Cependant, gare au piège du marché de niche, qui limiterait l’application à un seul usage. Pourquoi ne pas envisager une fusion, à la manière de TikTok quand il a racheté Musical.ly? Ou se laisser tenter par les GAFAM (pour Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), friands de ces partenariats qui leur servent à capter de nouvelles audiences et renouveler leurs offres? «On ne sait jamais», répond simplement Claude Crevelle.

Pour l’heure, Triller a déjà fort à faire. En même temps que sa levée de fonds fin 2019, l’application a annoncé l’acquisition de MashTraxx, une société britannique d’intelligence artificielle de musique et montage vidéo forte de neuf brevets technologiques. De quoi continuer, conclut Claude Crevelle, à faire évoluer sa technologie à la hauteur de son ambition: devenir «la première plateforme musicale pour les 16-25 ans et une référence pour la musique.»

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