Dialectique de la pop musique

Toute musique pop n'est pas de la musique populaire et toute musique populaire n'est pas issue de la pop.
Tout le travail d'Agnès Gayraud consiste à redonner une histoire à la musique pop qu'on a coutume à dater du début des années 60. Pourtant, la naissance de la pop coïncide avec les progrès technologiques du début du XXème siècle : l'enregistrement de la musique, la naissance de l'industrie du disque, l'émergence des labels.
La musique doit être replacée dans le temps pour être comprise... Mais il faut également comprendre qu'elle existe grâce à l'existence populaire d'un artiste, ce que nomme Agnès Gayraud comme l'émergence du sujet pop qui fait naître le hit, produit suprême de la musique populaire...

L'invitée du jour :

Agnès Gayraud, normalienne, agrégée et docteure en philosophie, professeure d'esthétique à la Villa Arson à Nice, auteure-compositrice et interprète du projet musical La Féline, autrice de Dialectique de la pop, une coédition La Découverte-La Rue musicale-Philarmonie de Paris. 

Qu’est-ce que la dialectique ?

Il peut y avoir une négativité dans notre propre rapport à la musique populaire enregistrée telle que nous l’aimons et la pratiquons. La dialectique signifie que la pratique est indissociable d’un rapport critique de certaines de ses conséquences.  
Agnès Gayraud

La pop musique ou le sublime de la vie ordinaire

Au 19ème siècle, le romantisme en Europe mais aussi le transcendantalisme aux Etats-Unis opèrent une bascule où l’on finit par considérer ce qu’on appelait vulgaire non plus comme une zone de l’existence qui va concerner les classes populaires mais comme quelque chose qui va dire le monde. Ce moment ouvre une constellation dont la musique populaire va s’emparer. Dans la musique populaire on peut parler de vie ordinaire mais aussi du sublime de la vie ordinaire.  
Agnès Gayraud

Qu’est-ce qu’une œuvre pop ?

Qu’est-ce qu’une œuvre pop ? C’est l’œuvre enregistrée, pas la composition ni la suite d’accords. Ce à quoi se réfère le jugement esthétique c’est la version enregistrée… Il faut le noter parce qu’il y a une espèce de réductionnisme où on réduit les œuvres aux chansons.  
Il faut absolument dissocier les enregistrements qui sont des interprétations d’œuvres qui existent en dehors de cette fixation sur la bande et des œuvres dont la condition-même de production est nécessaire. Dans toute l’histoire de la pop il y a cette intégration progressive du son altéré de la radio.

Texte lu par Élie Semoun :

1. Theodor W. Adorno et la musique vulgaire, extrait d'Introduction à la sociologie de la musique : Douze conférences théoriques, 1962, traduction Vincent Barras et Carlo Russi, Contrechamps, page 33 et 34

Sons diffusés :

• Archive de l'émission Apostrophe de Bernard Pivot, altercation entre Gainsbourg et Guy Béart, 26 décembre 1986, archive INA
  Suivi de Histoire de Melody Nelson de Serge Gainsbourg, 1971
• Archive de Theodor W. Adorno suivie d'une musique de Jimmy Hendrix, The Star Spangled Banner, 1969
• Musique de The Carter Family, Single Girl, married girl
• Musique de Wolfgang Amadeus Mozart, La Flûte enchantée, composée en 1791
• Chanson de Bigflo et Oli, Dommage, album La vraie vie, 2017
• Chanson de Christine and the Queens, 5 dollars, album Chris, 2018
• Chanson de Daft Punk, One More Time / Aerodynamic, album Alive, 2007