À quoi servent les orchestres de jeunes ?

Publicité

À quoi servent les orchestres de jeunes ?

Par
Jeune symphonie de l'Aisne en répétition avec François-Xavier Roth
Jeune symphonie de l'Aisne en répétition avec François-Xavier Roth
© Radio France - Suzana Kubik

La saison estivale, c’est aussi la saison des stages et des orchestres de jeunes. Quel est le rôle de ces formations éphémères dans le parcours d'un jeune musicien, à qui se destinent-elles et que peut-on y apprendre ?

« Les orchestres de jeunes sont souvent la première étape vers la professionnalisation d'un jeune musicien d'orchestre, répond Simon Proust, directeur artistique et musical de l 'Orchestre des jeunes du Centre. C'est un métier qui ne s'apprend vraiment que sur le terrain. Ce n'est qu'au milieu d'un pupitre de violons ou derrière les cuivres, que l'on devient musicien d'orchestre. » 

Une lacune dans la formation des jeunes musiciens

Si de nos jours la pratique orchestrale dans l'enseignement jouit d’un soutien inédit de l’opinion publique et de la politique gouvernementale, la France fut pendant longtemps un pays où l’enseignement individuel de la musique l’emportait sur le collectif. Si tu ne travailles pas assez, tu deviendras musicien d'orchestre, martelait-on aux jeunes apprentis peu assidus. Par conséquent, le prix d'un  Conservatoire national supérieur ne garantissait pas aux instrumentistes français fraîchement diplômés une solide expérience dans la pratique d'orchestre. 

Publicité

« Très nombreux sont les musiciens déclarant avoir reçu une formation inadaptée au métier d'orchestre, » peut-on lire dans l'enquête Les musiciens d'orchestre professionnels réalisée par le ministère de la Culture en 1994. Le document cite les témoignages des musiciens qui évoquent « trop d'attention portée vers les concertos au détriment des traits d'orchestre et un enseignement presque exclusivement tourné vers la carrière de soliste, qui forme surtout des athlètes de haut niveau. » 

Il y avait une vraie lacune dans le système de l'éducation des instrumentistes en France, celle de la formation au métier d'orchestre.

Les instrumentistes français étaient à l'époque peu concurrentiels dans des concours d'orchestre, et en dépit d'un nombre de candidats parfois très important, il était difficile de trouver des titulaires, notamment pour certains groupes d'instruments.  « Avec la vague de la création des orchestres professionnels un peu partout en France dans les années 1980, on s'est rendu compte que les postes mis en concours sont souvent pris par les musiciens étrangers. Il y avait une vraie lacune dans le système de l'éducation des instrumentistes en France, celle de la formation au métier d'orchestre », se souvient Pierre Barrois, directeur de l' Orchestre français des jeunes (OFJ).  

Dès lors, quelle solution proposer aux jeunes musiciens ? « Nombreux pays de l'Europe du nord notamment, ont mis en place dès les années 1940 des orchestres des jeunes, raconte Pierre Barrois. Ils permettent aux musiciens talentueux et surtout, motivés, de vivre de façon intense l'expérience d'orchestre pendant les vacances et hors de leur circuit d'enseignement habituel. »

Orchestre français des jeunes, un tremplin professionnel

La France a attendu 1982 pour que le ministère de la Culture se saisisse du problème et créer le premier orchestre de jeunes du pays. Sur le modèle des orchestres des Pays-Bas, de l'Allemagne ou de la Grande Bretagne, naît l'Orchestre français des jeunes, qui est encore aujourd'hui le principal orchestre national, couvrant tout le territoire de l’Hexagone. 

L'Orchestre français des jeunes pendant une répétition
L'Orchestre français des jeunes pendant une répétition
- Ugo Ponte

Sa mission principale est de former les jeunes musiciens aux techniques d'orchestre sous la responsabilité de musiciens expérimentés, d'aborder le grand répertoire symphonique inaccessible aux petites formations dans les conservatoires, et de préparer au mieux les jeunes musiciens à l'insertion professionnelle. Scindé en deux formations - symphonique et baroque - l'Orchestre français des jeunes sélectionne les meilleurs instrumentistes de 16 à 25 ans, issus majoritairement des conservatoires régionaux ou départementaux, ou de l'enseignement supérieur. Ils sont recrutés sur audition, en fonction de leur niveau instrumental, mais aussi de leur capacité d'intégrer une formation orchestrale. Pendant un mois, ils vivent la vie d'un orchestre professionnel : travail sur le programme, encadré par les musiciens de premier ordre, suivi d'une tournée internationale... Ils abordent aussi des aspects qui vont au-delà de l'interprétation musicale :

« Le métier du musicien d'orchestre a beaucoup évolué et la polyvalence est aujourd'hui incontournable, explique Pierre Barrois. Les élèves de notre stage sont formés bien évidemment aux œuvres du grand répertoire qu'ils n'ont pas forcement l'occasion de jouer au cours de leurs études. Mais ils sont aussi formés aux nouvelles réalités du métier : au droit du musicien, à la gestion de carrière ou encore à la médiation auprès de différents publics afin de rendre la musique classique accessible au plus grand nombre. »

Une stratégie qui porte ses fruits :  91% des anciens musiciens de l'OFJ sont musiciens professionnels, 59% d'entre eux étant en poste dans un orchestre professionnel, selon Pierre Barrois.

Les orchestres de jeunes constituent un maillon indispensable dans la formation des jeunes musiciens d'orchestre, constate Simon Proust. « Ils sont la préparation aux académies et master-classes, destinées aux professionnels désireux d'aborder un répertoire spécifique, par exemple. L'Allemagne ou les Pays-Bas ont montré la voie, mais la France aujourd'hui a rattrapé le retard et le jeune musicien en voie de professionnalisation a l’embarras du choix », ajoute-t-il.

Les initiatives régionales, un moyen d'accéder à la pratique orchestrale 

Pas moins sérieuses ni moins sélectives, les initiatives régionales démarrent en parallèle de l'Orchestre français des jeunes. Parmi celles qui se sont maintenues jusqu'aujourd'hui, on peut citer l' Orchestre des jeunes du Centre (OJC), qui voit le jour en 1985 pour subvenir aux besoins du festival lyrique de Loche. A l'origine limité à la région, l'OJC est aujourd'hui ouvert à toute la France, et accepte aussi les musiciens étrangers. Sans audition préalable, il permet à tous les instrumentistes âgés de 15 à 25 ans de se forger une expérience en orchestre. 

« Dans certaines régions, les conservatoires et les écoles de musique n'ont tout simplement pas les moyens de monter un orchestre symphonique. Du coup, les élèves ne peuvent travailler certains répertoires que grâce aux stages d'été. L'OJC est en quelque sorte l'antichambre pour l'OFJ : certains élèves qui sont passés par nos stages vont rejoindre l'OFJ et s'engager sur la voie de la professionnalisation », explique Simon Proust, directeur artistique et musical de l'orchestre, qui y a lui-même fait ses classes. 

L'Orchestre des jeunes du Centre pendant le stage d'été
L'Orchestre des jeunes du Centre pendant le stage d'été
- Alison Guerrini

Jouer le grand répertoire symphonique dans des conditions d'un orchestre professionnel, c'est aussi ce que propose la Jeune symphonie de l'Aisne, actuellement en tournée en région Haut-de-France. Ouverte aux amateurs, élèves de conservatoire ou simples musiciens du dimanche, cette formation propose en deux semaines la préparation d'un programme symphonique exigeant, en partenariat avec les musiciens des Siècles et une série de concerts sous la baguette de François-Xavier Roth. « L’idée, c’est de faire un vrai programme symphonique, parce que quand on travaille avec les amateurs et les jeunes, il ne faut pas avoir peur de l’exigence. Il faut plutôt faire le pari du talent et de l’intelligence. Pour moi, ce ne sont pas des musiciens amateurs, ce sont des musiciens tout court, et ils méritent un programme qui pourrait être donné à Paris ou à Londres. » 

C'est une expérience formatrice, quel que soit le parcours des participants amateurs, dont la plupart n'envisage pas de se professionnaliser dans la musique : « L'orchestre reste un moyen formidable pour apprendre à vivre ensemble, apprendre à se respecter dans la diversité et de se comprendre. C'est une société en format réduit, une merveilleuse école pour tous les profils et tous les âges », conclut François-Xavier Roth. 

pixel