Le clavecin : baroque ou rock’n’roll ?

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Le clavecin : baroque ou rock’n’roll ?

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Les clichés du clavecin
Les clichés du clavecin
© Getty - Thierry Pix

Instrument de prédilection des compositeurs jusqu’au XVIIIe siècle, le clavecin semble encore enfermé dans son âge d’or. Et pourtant, il n’a jamais été aussi vivant.

Le clavecin ne laisse personne indifférent et suscite même les plus vives émotions, d’amour comme de dégoût. Et pourtant, celui que l’on réduit - à tort - au statut d’ancêtre du piano est capable de bien belles choses.

Le clavecin fait-il peur ?

Bien souvent, le clavecin est associé à une élite mélomane, au musicien raffiné et spécialisé en musique baroque, puriste et intransigeant. Selon le jeune claveciniste Justin Taylor, « il peut en effet y avoir une sorte de réticence du public, mais le meilleur moyen d’y remédier, c’est d’en écouter, surtout en concert. C’est comme du chocolat noir, comparé à du chocolat blanc praliné. Il faut faire un petit effort mais en même temps on a plus de saveur, c’est tout l’enjeu du clavecin ! »

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A 26 ans, Justin Taylor, appartient à une nouvelle génération d’interprètes qui participe au renouveau du clavecin et se son répertoire. En France, les noms de Jean Rondeau (27 ans) et Justin Taylor (26 ans), se sont fait rapidement connaître comme les nouveaux espoirs du clavecin. Ces jeunes interprètes savent aller à la rencontre de leur public et démontrer que le clavecin n’a rien d’inaccessible.

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Clavecin = musique baroque ?

Plus que n’importe quel autre instrument, le clavecin est surtout associé à la musique baroque. Utilisé dans la musique de scène - mais pas seulement -  jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il tombe en disgrâce après la Révolution française et se voit progressivement remplacé par le pianoforte à l’aube du Romantisme. Sa renaissance date du début du XXe grâce à l’intérêt renouvelé pour la musique dite « ancienne » : pas étonnant, donc, qu'il soit aujourd'hui encore associé au répertoire baroque.

Il existe pourtant un grand nombre d’œuvres composées au XXe siècle par des compositeurs de tous les pays, et de tous les genres. Citons entre autres les concertos pour (ou avec) clavecin de Manuel de Falla (1926), Francis Poulenc (1927–28), Bohuslav Martinů (1935), Elliott Carter (1959–61), Alfred Schnittke (1977), John Rutter (1979), Henryk Górecki (1980), Iannis Xenakis (1986), Michael Nyman (1995), ou encore de Philip Glass (2002). Même Steve Reich montre une affection particulière pour l’instrument et offre au claveciniste Mahan Esfahani  l’opportunité de jouer son œuvre Piano Phase lors d’un concert à Cologne en 2016.

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Il ne faut pas non plus oublier le rôle majeur joué par le clavecin dans la musique rock et pop des années 1960 et 1970. Il est l’instrument fétiche des groupes expérimentaux du mouvement « English baroque » qui mêle rock et musique classique. On retrouve le clavecin dans  la discographie des Beatles, des Rolling Stones, de Deep Purple, de David Bowie, des Bee Gees, des Beach Boys, d’Aphrodite’s Child, et de The Stranglers.  Même le hip hop, à travers ses échantillons musicaux ou « samples », s’inspire fortement du clavecin, notamment le groupe de trip hop Massive Attack pour son célèbre titre Teardrop , avec un clavecin comme continuo.

Outre les musiciens des musiques actuelles qui utilisent le clavecin dans leurs chansons/reprises/orchestrations , certains interprètes modernisent plutôt son répertoire. Dans les années 1970, les reprises de Bach au synthétiseur modulaire Moog dans des albums intitulés "Switched on Bach"  ont apporté à Wendy Carlos un immense succès, dont trois Grammys et le soutien de Glenn Gould, interprète légendaire de l’œuvre de Bach.

Wendy Carlos
Wendy Carlos
© Getty - Len DeLessio

Plus récemment, le duo français Scarlatti Goes Electro apporte un souffle nouveau aux fameuses sonates du compositeur italien. Coiffés de perruques et habillés en costume d’époque, Antoine Souchav’,  (claveciniste de formation) et Michel Bananes Jr (pianiste) revisitent ces sonates au synthétiseur. Projet humoristique, mais abordé avec beaucoup de sérieux, Scarlatti Goes Electro s’adresse avant tout à ceux qui ne connaissent pas cette musique, ce répertoire, et non à un public d’expert. 

« Le meilleur moyen de combattre les clichés c’est de les assumer, afin qu’ils s’effondrent sur eux-mêmes. […] Effectivement, le clavecin est un instrument extrêmement archaïque, mais c’est justement ça son avantage. Tout l’enjeu de cet instrument c’est « que faisons-nous avec ces énormes contraintes ? ». Il faut assumer ce cliché, même presque le revendiquer. »

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Le clavecin n'est pas un « sous-piano »

Pourquoi jouer du  clavecin si l’on peut jouer du piano ? Parce que les deux instruments n’ont rien à voir, tout simplement ! La renaissance du clavecin au début du XXe siècle, initiée par la claveciniste Wanda Landowska,  fût accompagnée par les facteurs d’instruments, qui ont repris de nombreuses caractéristiques des pianos afin de créer un clavecin « moderne », capable d’égaler les capacités du piano.

Bien que cette tendance ait progressivement été remplacée par un retour à une facture « traditionnelle » au milieu du XXe siècle, la comparaison s’est peu à peu établie entre le piano et le clavecin, en défaveur de ce dernier. Cependant, le clavecin n’est  pas un sous-piano, c’est un instrument au caractère unique.

Professeur de la classe de clavecin au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse depuis 2001, Olivier Baumont souligne parfaitement cette situation.

« S’il y a bien un instrument qui est un monde infini de nuances à lui tout seul, c’est bien le clavecin. Son potentiel expressif est immense, multiple et varié, pour qui sait l’écouter sans a priori. Mais, il est vrai que la tâche n’est pas facile pour l’interprète ! François Couperin disait déjà : ‘Je saurai toujours gré à ceux qui par un art infini, soutenu par le goût, pourront rendre cet instrument susceptible d’expression’ ».

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Le public est aujourd’hui habitué aux prouesses techniques des pianistes, et se retrouve parfois déçu face au clavecin et à son répertoire. Mais il suffit de tendre l’oreille vers les subtilités du son de cet instrument, pour apprendre à l’apprécier et lui accorder la place qu’il mérite sur les scènes mondiales. Pour mieux entendre le clavecin, pourquoi ne pas tout simplement « oublier » le piano ?

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