Tool, AC/DC, Thom Yorke... Après des années de résistance, ils ont cédé au streaming

Le groupe de metal alternatif Tool vient enfin d’autoriser sa discographie à apparaître sur Deezer, Spotify, etc... Le streaming finira-t-il par avoir tous ses adversaires à l’usure ?

Par Jérémy Pellet

Publié le 02 août 2019 à 13h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 00h48

Il faisait partie des derniers irréductibles. Comme annoncé sur Instagram, le catalogue tout entier du groupe américain de metal alternatif Tool – quatre albums et un EP – est désormais disponible sur l’ensemble des plateformes de streaming depuis ce vendredi. La bande à Maynard James Keenan a dévoilé dans le même temps la date de sortie de Fear Inoculum, leur premier disque en treize ans, qui sera lui aussi disponible en streaming le 30 août prochain. En cédant aux sirènes de la musique dématérialisée, il réussit donc un petit coup de pub, avec sans doute dans l’idée d’élargir son public avant l’arrivée du petit dernier.

Le groupe n’est pas le premier poids lourd de l’industrie musicale à mettre un terme à des années d’absence sur les plateformes. Après les Beatles ou AC/DC en 2015, plusieurs réfractaires, qui avaient auparavant fait enlever leur catalogue de Spotify ou Deezer, ont également fait machine arrière. Parmi eux, Prince. Connu pour son obsession du contrôle artistique, l’artiste avait réservé l’exclusivité des droits de son catalogue au service payant Tidal (fondé par le rappeur Jay-Z, autre grand absent de Spotify), le retirant en 2015 des autres plateformes pour protester contre leur rémunération désavantageuse (chez Spotify la redevance par écoute est de 0,00437 dollar selon le site américain spécialiste de l’industrie musicale, Digital Music News). Après dix-huit mois d’éloignement, ses ayants-droits ont contrecarré ses plans de façon posthume : sa discographie a refait surface sur l’ensemble des plateformes en février 2017.

“Spotify, c’est le dernier pet désespéré d’un cadavre agonisant​​​​​”. Thom Yorke

Si Prince n’a pas été consulté, d’autres sont revenus de leur plein gré. C’est le cas de Thom Yorke. Le leader de Radiohead avait lui aussi privé Spotify de l’ensemble de ses projets solo, en plus de l’album enregistré avec Flea et son producteur Nigel Godrich sous le nom d’Atoms for Peace. Sur ce coup-là, difficile de se méprendre sur les motivations de celui qui avait qualifié Spotify de « dernier pet désespéré d’un cadavre agonisant » dans une interview au site mexicain Sopitas, arguant sur Twitter que son modèle fragilisait les jeunes musiciens « qui ne percevront rien alors que les actionnaires s’en mettent plein les poches ». Et pourtant, Thom Yorke a lui aussi fini par renoncer à sa croisade. Dans les faits en tout cas, puisque ses albums ont retrouvé le chemin de la plateforme en décembre 2017, quelques mois après ceux de Radiohead. En revanche, certains de ses tweets laissent entendre que le système de rémunération du géant du web n’a toujours pas remporté ses faveurs.

Certains artistes snobent Spotify parce qu’ils lui ont opposé leur propre alternative. Jay-Z donc, avec Tidal, sa plateforme par abonnement lancé en mars 2015. Neil Young aussi, qui avait lancé en janvier 2015 son service de téléchargement de fichiers audio haute résolution, Pono Music, quelques mois avant de disparaître des plateformes de streaming. À la différence de nombreux artistes, le Canadien n’entendait pas protester contre la rémunération limitée mais contre la qualité audio proposée. Un an avant l’arrêt de Pono en avril 2017, sa copieuse discographie réintégrait elle aussi les étagères numériques de la concurrence. Comme pour les autres, aucun propos n’était venu justifier cette bascule.

Rattrapés par une reconnaissance plus ou moins tardive d’une révolution des usages (Spotity, par exemple, est passé de 20 millions d’abonnés et 75 millions d’utilisateurs en 2015 à 108 millions d’abonnés et 235 millions d’utilisateurs en 2019), les rangs des artistes indifférents ou hostiles sont aujourd’hui bien clairsemés. Le chanteur country Garth Brooks et la songwriter folk Joanna Newsom sont parmi les derniers à résister à Spotify – bien que leur musique ait finalement atterri chez des plateformes concurrentes, Amazon Music Unlimited pour le premier, Apple Music pour la seconde. Reste le casse-tête des discographies à trous, disponibles mais incomplètes, le plus souvent en raison de litiges avec les maisons de disques ou de désordre administratif. Parmi les artistes concernés, on trouve les rappeurs new-yorkais De La Soul ou la chanteuse R&B Aaliyah dont les meilleures œuvres sont toujours retenues à bonne distance de Spotify.

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