L'industrie de la musique pas réconciliée avec YouTube
Les nouveaux accords avec Universal, Sony et Warner sous-estiment encore les redevances auxquelles les majors de la musique estiment avoir droit.
Pour YouTube, les accords de licences signés récemment avec les majors de la musique lui donnent clairement le droit de diffuser leurs chansons et clips à la fois sur son segment gratuit et sur son service payant YouTube Red, actuellement disponible aux Etats-Unis et bientôt en France et ailleurs.
Mais le son de cloche est un peu différent côté Universal Music, Sony Music et Warner Music, même si le sujet n'a pas fait l'objet de contentieux juridiques. Pour ces majors, cette plate-forme filiale de Google, bien qu'incontournable pour assurer la promotion de leurs artistes, continue de sous-valoriser les contenus musicaux dont elle tire l'essentiel de ses revenus.
Pertes en ligne sur les revenus
Depuis que le streaming par abonnement sur des sites comme Deezer, Spotify ou Apple Music continue à faire rebondir l'industrie de la musique, celle-ci concentre ses critiques sur YouTube, sur lequel on écoute la musique surtout gratuitement contre une exposition à de la publicité. Les revenus générés par YouTube pèsent ainsi moins de 5 % du total alors que celle-ci concentre au moins un tiers des streams de chansons sur la Toile tout compris, gratuit et payant.
Dans ce contexte, « le renouvellement des contrats opéré ces derniers mois se fait certes à des taux de redevances plus normaux pour les ayants droit, mais les revenus pour la musique restent trop faibles », explique un bon connaisseur du secteur.
Minimums garantis
Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, explique-t-il, « YouTube vend ses espaces publicitaires environ dix fois moins cher que les autres acteurs de la pub en ligne pour un pays donné, poursuit-il. Pour lui, brader n'est pas un problème puisqu'il opère sur une base mondiale mais les revenus pour l'industrie de la musique locale sont minorés d'autant. »
Ensuite, des millions de clips ou chansons mis en ligne sur YouTube par des utilisateurs non professionnels et sans validation par l'industrie de la musique ne sont pas accompagnés de publicités, explique-t-il. Il n'y a donc pas de revenus pour la musique alors que ce contenu apporte de la data et du trafic à YouTube. Enfin, Google ne détaille pas les revenus de YouTube - on estime que son chiffre d'affaires mondial est de l'ordre de 10 milliards de dollars -, donc l'assiette pour calculer les redevances n'est pas claire.
YouTube a inclus plus clairement son service payant plus rémunérateur dans ses négociations avec les labels et les éditeurs de musique. Il leur promet de le promouvoir. Mais en attendant que ce service prenne des parts de marchés à Spotify et Apple, ce qui n'est pas gagné, ceux-ci voudraient que YouTube paye un minimum garanti pour chaque stream dans le segment gratuit. Ils aimeraient aussi un « fenêtrage » des contenus avec les nouveautés passant dans le payant avant le gratuit.
Nicolas Madelaine