Le Sultanat d'Oman, nouveau paradis pour l'opéra

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Le Sultanat d'Oman, nouveau paradis pour l'opéra

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L'Opéra royal de Mascate au Sultanat d'Oman a été inauguré en 2011
L'Opéra royal de Mascate au Sultanat d'Oman a été inauguré en 2011
© Getty - Thomas Imo

Depuis quelques années, les pays du monde arabe, et plus spécialement de la péninsule arabique, ont inauguré des salles d'opéra. Une ouverture au monde occidental qui démontre l'importance politique de cet art. Exemple avec un pays pionnier, le Sultanat d'Oman.

Pays plutôt discret sur la scène internationale, le Sultanat d'Oman se situe dans l'ombre de ses voisins. Les Émirats arabes unis et le Qatar au nord, l'Arabie saoudite à l'ouest et le Yémen au sud-ouest font tous régulièrement parler d'eux pour diverses raisons. Pourtant, cette petite monarchie de 4 millions d'habitants a été le premier de la péninsule arabique à se doter d'un opéra moderne, l'Opéra Royal de Mascate (ROHM, en anglais) dans la capitale. Inauguré en 2011, l’imposant bâtiment a été conçu selon l’architecture traditionnelle de la région. C’est le sultan Qabous en personne qui a commandité sa construction et a réussi à voler la vedette à Dubaï, dont le projet d’opéra a été retardé en raison de la crise immobilière de 2008. Élevé en Grande-Bretagne, le sultan est organiste, luthiste et passionné de musique classique, il a supervisé l’ensemble du chantier en personne.

Pour développer la programmation et l’attractivité de sa maison lyrique, le sultan a engagé Umberto Fanni, auparavant directeur artistique des Arènes de Vérone en Italie, l’un des plus importants festivals lyriques du monde. En quelques années, l'Italien a réussi à faire du ROHM un lieu incontournable pour les plus grands solistes et orchestres du monde. Pour l’instant, l’institution ne produit pas ses propres œuvres, elle achète des productions montées dans différentes maisons d’opéras du monde, mais le succès est au rendez-vous puisque la salle de 1100 places connaît un taux de remplissage de 94% sur la dernière saison. L’Opéra de Mascate a déjà réussi l’exploit de présenter 36 productions différentes en seulement 6 ans. C’est principalement grâce à un gros travail de coproductions mené avec des opéras européens. Le directeur espère pouvoir devenir un lieu de création et de production dans les prochaines saisons.

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« L’architecture de l’Opéra de Mascate représente parfaitement ma vision de ce que doit être une maison lyrique : l’alliance parfaite de la tradition et de l’innovation. Je pense qu’il est important de ne pas oublier d’où nous venons tout en regardant vers le futur ». Le directeur loue les capacités techniques de la salle qui peut en seulement 25 minutes, passer de la configuration concert à celle d’opéra. Umberto Fanni voit cette ouverture de la péninsule arabique au monde de l’opéra et de la musique classique comme un « très bon signal », une volonté de créer des liens avec le reste du monde. « Dans le Sultanat d’Oman, nous avons pu l’observer très tôt du fait de l’éducation européenne reçue par le sultan Qabous. Il y a cette envie de faire partie du monde et quel meilleur moyen que d’utiliser le langage universel de la musique ? ».

Grâce à ses fonctions passées, le directeur italien a pu puiser dans son carnet d’adresses pour attirer les plus grandes stars et orchestres du monde. Durant ses 6 années, l’Opéra de Mascate a accueilli sur sa scène Placido Domingo, Valery Gergiev, Roberto Alagna, Michel Legrand, l’Orchestre d’Etat de l’Opéra de Vienne, Yo-Yo Ma, Gustavo Dudamel et l’Orchestre symphonique Simon Bolivar du Venezuela, Maurizio Pollini, Ricardo Muti, Joyce Di Donato, Hélène Grimaud, Jonas Kaufmann, Diana Damrau ou Anna Netrebko. Le directeur Umberto Fanni a également souhaité laisser une place à la programmation de musique omanaise et arabe, des concerts qui sont une bonne vitrine pour attirer le public local. L'Opéra de Mascate a également musclé l'offre pédagogique afin d'améliorer la connaissance de la musique classique chez les enfants omanais. A l'horizon 2020, Umberto Fanni projette de programmer un opéra contemporain commandé à un compositeur arabe.

La salle de l'Opéra Royal de Mascate au Sultanat d'Oman
La salle de l'Opéra Royal de Mascate au Sultanat d'Oman
© Getty - Dominic Dudley

Un jeune opéra qui mise sur les coproductions

Si l’Opéra royal de Mascate n’a pas encore su se développer en tant que producteur de spectacles, il s’est néanmoins associé à de nombreuses maisons lyriques européennes pour coproduire des spectacles. C’est notamment le cas avec l’Opéra de Rouen et la production de Norma qui a inauguré cette saison 2017 - 2018. L’ensemble de la production se déplacera en février prochain à Mascate pour deux représentations. Frédéric Roels, directeur de l’Opéra de Rouen jusqu’en septembre dernier et metteur en scène de la production en question, avait mené les négociations avec l’opéra.

Un de ses collaborateurs qui s’était rendu en vacances dans le Sultanat d’Oman avait rencontré une personne du conseil d’administration de l’Opéra de Mascate. « A l’époque, nous nous sommes renseignés sur le pays et le ministère des Affaires Étrangères nous avait précisé qu’il s’agissait d’un pays cible en matière de développement de collaboration », explique Frédéric Roels. Quelques temps plus tard, le directeur de l’Opéra de Rouen accompagne le ministre des Affaires Étrangères lors d’une visite d’état et rencontre Umberto Fanni, le directeur de l’Opéra royal de Mascate.

Petit à petit, l’envie d’une collaboration s’est précisée. « C’est une maison d’opéra qui a d’importants moyens et l’apport en coproduction qu’ils ont apporté est vraiment conséquent, bien plus qu’à la normale, explique Frédéric Roels. C’est également intéressant pour eux parce qu’il s’agit encore d’une jeune maison d’opéra et qu’ils sont dans cette phase de transition entre l’accueil de spectacles et la production en interne ». Selon Frédéric Roels, l’Opéra de Mascate s’est beaucoup investi dans la création de cette Norma, notamment dans la distribution mais aussi dans le respect de certaines contraintes culturelles. « Il fallait faire très attention à ce qu’il ne soit pas question de sexualité, de nudité ou de références à la religion, se souvient le directeur de l’Opéra de Rouen qui signe la mise en scène de la production. Il fallait notamment éviter l’utilisation de certaines couleurs ».

Mais Frédéric Roels l’assure, il ne s’est pas senti censuré dans sa vision de l’œuvre. « Le Sultanat d’Oman est un régime très monarchique. C’est une démocratie balbutiante mais c’est un pays stable et sûr. J’y ai senti une véritable passion pour l’opéra. Il s’agit d’une très belle aventure qui permet de confronter les cultures et les visions du monde ». Pour la production de Norma qui sera jouée en février à Mascate, l’Opéra de Rouen s’y rendra avec plus de 100 collaborateurs, dont une partie de l’équipe technique. Une opération monstre et coûteuse mais qui ne semble pas être un problème pour l’institution omanaise qui bénéficie d’importants crédits.

Le metteur en scène Frédéric Roels a eu l’occasion d’assister à une représentation à l’Opéra royal et explique y avoir perçu un public composé pour moitié d’omanais de classe aisée, l’autre moitié d’expatriés occidentaux et de touristes. « L’enjeu principal de l’opéra de Mascate est de réussir à s’ouvrir à un public très peu familier de cette forme d’art ». Le pays compte 4 millions d’habitants dont la moitié seulement est omanaise, l’autre est composée d’étrangers dont 80% sont des Indiens et Pakistanais venus pour travailler dans le bâtiment ou les services. Les 20% restant sont composés de travailleurs européens ou américains.

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