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formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

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Billet de blog 2 novembre 2017

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Musique et éducation : des enjeux politiques aussi ?

La musique est plus qu’une activité artistique. Le dernier numéro de la Revue internationale d’éducation de Sèvres explore ses multiples impacts individuels et collectifs, et éclaire, à travers des pays très différents, ses enjeux politiques.

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La coïncidence ne manque pas de sel : alors que le ministre demandait de faire de la dernière rentrée une « rentrée en musique », la Revue internationale d’éducation de Sèvres a consacré son dossier du numéro de septembre 2017 au thème Musique et éducation[1].

Ce qui frappe dans ce dossier, c’est, comme l’écrit Emmanuel Bigand, coordonnateur du numéro, dans son introduction[2], « le pouvoir transformationnel de la musique » sur l’individu, dès la première enfance, comme sur la société.

Au fil des articles se dessinent les liens entre musique et plasticité cérébrale, développement émotionnel, coopération sociale, accomplissement personnel, mais aussi avec construction nationale à Trinidad et Tobago, identités au Sénégal, communauté scolaire au Danemark, transmission intergénérationnelle et animation artistique d’un territoire en Mayenne, cohésion sociale et transformation décoloniale en Afrique du Sud, intégration au Venezuela.

La musique vaut sans doute mieux qu’une rentrée en musique une fois l’an. Bien plus qu’un loisir, elle est aussi autre chose qu’une activité artistique, qu’un luxe éducatif. Elle engage, selon Laura Ferrari, une stimulation cérébrale se traduisant par des changements neuronaux importants. Pour Laurel J. Trainor, son impact sur la réussite de la vie future est fonction de son influence sur le développement social et émotionnel des enfants. Que l’on examine la musique traditionnelle indienne, comme Shantala Hedge, ou la pratique du pan à Trinidad et Tobago, comme Aurélie Helmlinger, ou la musique traditionnelle au Sénégal, comme Moussa Sy, on constate que les connaissances musicales stricto sensu ne sont qu’une facette des domaines d’apprentissage développés par la musique, grâce à la médiation du gourou, du captain ou du griot : ses bénéfices globaux se traduisent en compétences neuronales, psychosociales, et politiques. On constate également combien un enseignement académique de la musique peut susciter le désintérêt des élèves sénégalais quand une intense tradition chorale peut, dans un lycée de Copenhague, constituer, selon Henrik Reeh, le socle de la communauté lycéenne. Denis Waleckx analyse pour sa part l’impact d’un dispositif partenarial comme Orchestre à l’école en France. Associant éducation nationale, culture et collectivités territoriales, il induit de multiples retombées positives pour les élèves engagés, mais aussi pour les politiques éducatives, artistiques et culturelles de chaque territoire concerné. Renforcement des compétences musicales et comportementales, projets ambitieux mettant en relation les participants avec des professionnels reconnus, transmission entre pairs et entre générations, sentiment d’appartenance renforcé à un territoire et à une culture universelle, que l’on soit élève mayennais ou sénégalais, le bénéfice est identique. C’est sans doute une des clés de l’essor d’un réseau mondial, à partir d’un projet né dans un garage de Caracas, avec onze musiciens, et de la reconnaissance internationale qui lui a été accordée au festival de Salzbourg en 2013 ou à la Scala de Milan en 2015. El Sistema a lié dès le départ objectifs sociaux et culturels : refus d’opposer absence de sélection et excellence, en développant la persévérance individuelle et collective et la valorisation des talents dans le respect des règles de vie. En Mayenne comme au Vénézuela, l’implication de la famille et de la collectivité, l’adaptation au territoire sont essentielles.

Ce dossier confirme s’il en était besoin le bien fondé d’une pratique musicale diversifiée à l’école, qui ne se résout pas à un simple enseignement, mais se développe également dans la pratique chorale et orchestrale. La circulaire n° 2016-201 du 13-12-2016 sur les chorales scolaires[3] souligne leur impact sur la motivation scolaire, le développement de la sensibilité, de l’autonomie, du sens de la responsabilité, du respect des règles, de l’esprit critique, de l’engagement. Les chorales, selon la circulaire, sont « un élément de l’identité scolaire » fédérant toutes les composantes du parcours artistique et culturel : fréquenter, pratiquer, s’approprier.

Au travers de ce dossier, la musique apparaît non pas seulement comme un enseignement disciplinaire, mais comme un apprentissage individuel et collectif fondamental, un enjeu politique au sens plein du terme.

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[1] https://ries.revues.org/5853

[2] https://ries.revues.org/5928

[3] http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=110814

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